L’engagement par l’administration fiscale d’une procédure de vérification, ou l’envoi d’une rectification d’imposition, est adressé par courrier recommandé avec demande d’avis de réception. La réception de ce courrier constitue en règle générale le point de départ d’un délai de 30 jours permettant à l’intéressé de faire valoir ses observations, ou de contester les éléments de la rectification.
L’instruction du 6 septembre 1990 de la direction générale de la Poste, relative à la distribution des plis recommandés, prévoit qu’en l’absence du destinataire lors du passage du préposé un avis est déposé, lequel ne mentionne que les coordonnées du destinataire et la date de dépôt de l’avis, mais pas le nom ou la qualité de l’expéditeur. Si le pli n’est pas retiré au terme de quinze jours après le dépôt de l’avis de passage, la lettre est ensuite retournée à son expéditeur.
La jurisprudence constante des tribunaux administratifs, et notamment celle du Conseil d’État, considère que, même lorsque le pli a été retourné à l’expéditeur, la preuve de la mise en instance durant cette période de quinze jours au bureau de Poste suffit pour constituer une information régulière du contribuable, qui dès lors ne peut plus contester les observations et analyses de l’administration fiscale. Il est considéré en effet qu’à toute période de l’année, en cas d’absence prolongée, le contribuable doit être en mesure de donner les instructions et procurations nécessaires afin de faire retirer son courrier recommandé par un tiers.
Cette position de l’administration, ainsi que la jurisprudence, pose en pratique un grave problème déontologique aux avocats, qui sont soumis à un secret professionnel d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps.
Les courriers de l’administration fiscale relatifs à l’activité professionnelle sont adressés aux avocats à l’adresse de leur cabinet. Une procuration ne pouvant être donnée que globalement, et non pas seulement pour les courriers reçus de l’administration fiscale, elle peut ainsi aboutir à la remise à un tiers de documents confidentiels relatifs à une procédure en cours concernant le client de l’avocat. Dans ce dernier cas, et même si le pli remis n’est pas ouvert, la preuve de la remise de certaines pièces de procédure peut ouvrir des délais qui seront opposables à ce client.
Ainsi, le retrait d’un pli recommandé, par exemple durant les vacances de l’avocat, risque d’entraîner la divulgation d’éléments protégés par le secret professionnel, ou bien encore une perte de chance pour le client, susceptible de déclencher un recours en responsabilité disciplinaire ou civile contre l’avocat.
Ce problème pénalise d’autant plus les avocats qu’ils exercent à titre individuel, ou dans de petites structures.
M. Jean-Claude Lenoir, Sénateur de l’Orne et Président de la Commission des Affaires Économiques du Sénat, alerté de ce problème, a posé à ce sujet une question écrite au secrétaire d’État chargé du budget (n ̊19798, publiée au Journal Officiel de la République française du 28 janvier 2016), dans laquelle il propose quelques solutions.
Il envisage ainsi notamment que l’administration fiscale puisse adresser, à la demande du contribuable avocat, les courriers recommandés à son adresse de domicile si elle est distincte de l’adresse professionnelle, à charge pour l’avocat de donner dans ce cas procuration pour les retraits de courriers recommandés à cette adresse privée.